La folie le guette et pourtant il continue à la chercher, sentant bien qu'elle est toujours en vie, quelque part, dans le tréfond de cette ville. Elle ne peut pas se retrouver dans l'un de ces cadavres retrouvés les mois passés dans ces entrepôts lugubres. Il la sent tout proche, mais où peut-elle bien être ? Autant chercher une aiguille dans une meule de foin, une seule femme dans une ville si immense et trop peu d'indices...

Une semaine, une semaine que je tourne en rond dans cette foutue ville. J'ai dû la faire en long en large et en travers et rien. Pourtant ce n'est pas faute d'avoir démonté quelques démons de bas étages, sans compter leurs murs qui ne tiennent rien, mais à part le tout premier, plus rien ne mène à elle. Mes méthodes employées ne servent à rien, les découper en deux encore moins, ils ne peuvent plus parler. Il me reste la méthode des humains, celle où il faut aller se plaindre dans un commissariat, sauf que je ne vais pas aller me mêler à cette race qui ne retrouverait même pas ses petits dans un mètre carré. De plus ne pas se montrer aux humains, la bonne blague, ils pensent vraiment que nous pourrions faire cette bêtise ? Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire à part démonter chacun de ces immeubles briques par briques ?

Dans tous les cas, je sens vraiment que le jour où je porte la main sur ce démon, il va comprendre sa douleur. La dernière fois que nous nous étions vus, j'aurais dû le tuer sans lui laisser la moindre chance, mais Chaton était présente et je sais combien elle tient au fait de ne pas tuer à tout bout de champs, mais elle ne semblait pas comprendre. Ce n'était pas grave, elle n'avait pas besoin de savoir combien de personnes j'avais décimé. Un soupir s'échappa d'entre mes lèvres, rien que de penser aux dernières conversations que nous avions pu avoir, une migraine prenait place dans mon esprit. Nous avions trouvé un terrain d'entente et la bague qu'elle devait porter au doigt le confirmait, mais l'avait-elle encore gardé?

Plongeant la main dans la poche intérieure de ma veste de cuir de couleur noire et longue, j'attrapais mon portefeuille, sortant en premier la photo que j'avais d'elle. Il m'était difficile de la montrer à ces humains, leurs yeux pouvaient la brûler et cela me dérangeait royalement qu'un autre puisse la regarder, mais je n’ai pas le choix ! Le feuillet derrière s'entrouvrit, laissant les mots de cet infâme futur mort – et pour de bon – se présenter à mes yeux. Ce chacal, cette ordure devrait payer juste pour avoir oser penser à elle, mais maintenant, il comptait prendre son temps pour en finir une bonne fois pour toute. Il avait osé la toucher de ces doigts fourchus – d'accord, ils ne devaient pas être ainsi – mais rien à foutre!

De rage, je chiffonnais le morceau de papier pour le fourrer dans ma poche, frottant ma barbe de plusieurs jours, puis sortant une cigarette de ma poche – depuis toute cette histoire je m'étais remis à fumer -  la plantant entre mes lèvres. D'un geste vif, j'attrape mon briquet et l'allume, observant les passages de tous ces humains qui ne se rendent même pas compte de ce qui se passe réellement dans leur petite vie bien trop tranquille. Adossé à l'un des bâtiments du centre commercial, je cherche si l'un d'entre eux ne serait pas dans un alignement qui me conviendrait, jetant un coup d’œil supplémentaire à Chaton. Une envie subite me prit de tous les plaquer au sol et de leur demander si l'un d'entre eux ne l'aurait pas vu, mais dans ce monde, cela n'est pas vraiment possible.

« Le sang... tout ce qui est la vie ne devrait pas se montrer en présence d'un nocturne, mais parfois la chasse et la recherche ne forme qu'une seule et même voie. »

Qu'est-ce que ces humains peuvent être maladroits !Plus ils sont petits, fins et j'en passe d'autres et plus leurs jambes semblent ne pas les tenir. La preuve, juste devant moi avec cet asticot qui vient de s'étaler dans toute sa splendeur. Le pire dans tout cela? C'est qu'aucun de ces congénères ne bougent  ses fesses pour venir l'aider, c'est limite s'ils ne viennent pas lui marcher dessus et faire rouler ces affaires. Quel bordel humain que voila. Dire qu'ils se croient meilleurs que nous tous, même si nous ne sommes que des songes, de simples parcours de leur imagination tordue. S'ils savaient, ils s'entraideraient, probablement, à moins qu'ils ne s'entretuent pour avoir une place de choix.

« Poussez-vous » grognéé-je en bousculant un homme qui vient d'écraser ce qui ressemble à un bonbon sur le sol. Je ne suis pas un samaritain, mais les voir ainsi me fais presque pitié pour leur race. Je bouscule celui qui ne semble pas comprendre la façon dont je parle, il va pour râler, mais mon regard glacial suffit à le faire disparaitre de la circulation. « C'est ça casses-toi  » marmonné-je en me baissant pour attraper le bras de l'humain. Il sent leur odeur caractéristique, pas moyen de se tromper sur ce qu'il est vraiment. Par contre je m'en tape royalement de quel côté il se trouve, cela m'importe peu. Le sang me titille le nez, pourtant ce n'est pas le sang de démon, mais il me fait renifler plus fortement. Le redressant sur ses jambes je vois tout ce qu'il a en main et fronce les sourcils. Il veut faire quoi avec tout ça?

« Dis donc mon gars, faudrait éviter de traîner avec des trucs pareils, tu pourrais te faire mal. » laissé-je échapper sans le vouloir. Parfois je ferais mieux de fermer ma gueule, ce qui est très souvent le cas, mais cette cohue dans les allées me met les nerfs en pelote, surtout que je ne suis pas là pour m'amuser. !un sachet plastique traine au sol, il semble encore en bon état. Je le récupère et le lui fous dans les mains, ne me rendant pas compte que j'ai perdu ma photo, la seule que j'ai. Nous n'avions pas eut le temps d'en faire d'autres avant mon départ et puis cela ne sert à rien d'en avoir des tonnes. « Faites gaffe où vous mettez les pieds, ici personne ne prendra soin d'un autre. » murmuré-je en me regardant par dessus son épaule. Mes mains instinctivement lui tapote les épaules, comme je ferais à un gamin et recule d'un pas, me demandant dans quelle direction je vais devoir aller. Elle n'est pas ici, pas dans un quartier si fréquenté, elle doit être ailleurs.

Je fouille dans mes poches pour trouver la photo, me disant qu'il pourrait peut-être l'avoir vu, je viens de le relever, cela pourrait être un bon échange, pas vrai? Même si les lames de sang ne m'inspire pas confiance. Je la retrouve au sol, grognant plus pour la forme qu'autre chose, la dépoussière et la lui montre. « tu l'as déjà vu par ici? » demandé-je sans autre forme.

photo:

« Encore une journée de perdue, une de plus à vivre sans elle. Ne pas savoir où elle était, si elle était encore en vie le rongeait. Mais il savait qu'il le sentirait si elle n'était plus en vie, il l'espérait. »

Il semble si misérable, même debout, mais cela ne m'empêche pas de lui poser des questions, enfin surtout une. Mais sa réponse est la même que celles des autres. Un non, non personne ne l'a vu. Quelle idée de la chercher ainsi dans la rue, je devrais me douter que cela ne fonctionnera pas. Je soupire en angeant la photo, sortant un paquet de cigarettes. Dire que j'avais arrêté, c'est terminé, devenue comme une drogue. Peu importe, de toute façon je n'en mourrais pas. Un gosse, ce n'est qu'un gosse qui semble attendre une réponse de ma part. Je cherche et trouve enfin ce qu'il veut. Je tire une bouffée, l'aspirant pour la faire ressortir par le nez. Un véritable dragon dans toute sa splendeur, sauf que j'ai l'apparence d'un homme.

« Drake. » lâché-je en prenant une autre bouffée. « Je ne pense pas qu'elle soit vue, pas dans une rue aussi passante que celle-ci. » affirmé-je me demandant si je vais avoir de la chance un jour. Me contacter ? C'est une idée à creuser. « Je ne sais pas depuis combien de temps elle peut être ici, disons que cela doit faire un mois, mais, elle n'est pas seule. » Je cherche dans ma poche un bout de papier, que je trouve, pour ce qui est d'un stylo, c'est plus compliqué. J'attrape un passant, lui prenant le stylo des mains. Il ronchonne, mais au regard que je lui lance, il s'arrête, jusqu'à ce que je le lui rende sans rien dire. Le numéro est noté, je ne sais pas si c'est une bonne idée, mais on ne sait jamais. « Voila mon numéro » disé-je en fourrant le papier entre les mains de cet Hazel, « je suis à l'hôtel pour le moment. Je ne sais pas combien de temps j'y serais, jusqu'à ce que je la retrouve. » expliqué-je.

Je termine ma clope, l'écrasant au sol sous ma botte. Je met mes mains dans les poches de mon blouson et me pose des questions sur les lames. Qu'est-ce qu'il peut bien foutre avec ? Surtout qu'il y a encore du sang dessus. Serait-il un de ses tueurs ? Non impossible, il n'a pas la carrure ni même le regard. Il semble bien trop propre sur lui, en quelque sorte. J'ai le regard, la gueule, l'allure et pourtant je ne traine pas avec une boite pareille. « Elle te sert à quoi ? » questionné-je. C'est bien la première fois que je pose une question à un humain, surtout sur lui, car je sens que la réponse risque de ne pas me plaire.